CAFE PHILO


café philo du 25/02/2012

Café philo du 25 février 2012

Sujet : qu'est ce qu'aimer ?

Introduction :

Peut on confondre l'amour que l'on porte à un être vivant, à un idéal, à un objet sous la même appellation ?

Si les anglais ont 2 termes à leur disposition "I like" "I love", les grecs en ont au moins trois :

Philia désigne l'amour d'amitié
Agapé un amour empathie pour son prochain
Eros désigne l'amour amoureux et le désir qui le transcende

Les théories de l'attachement ont démontré sans ambiguïté que le besoin d'attachement est un besoin biologique fondamental. Un nourrisson que l'on change, que l'on nourrit va développer de graves troubles psycho-affectifs pouvant aller jusqu'à la mort si l'on n'y adjoint pas le "nursing" sous forme de maternage (spitz). Ce besoin d'attachement, qui ne peut pas être qualifié d'amour, conduira t-il plus tard à l'altérité dans l'amour ?

"Aimer" recouvre tellement de situations différentes qu'il n'est pas si facile de le définir. Peut-on faire une tentative en nommant son contraire "l'indifférence" ? Rien n'est moins sûr. L'amour nécessite-il une interaction réelle ou supposé ? Dieu ne répond pas réellement mais il est supposé le faire, agir dans nos vies, du moins pour les croyants.
Est-ce un désir d'absolu comme le suggérait Platon ?

On pourra essayer de suivre des pistes en différenciant l'amour captatif (ou possessif) de l'amour oblatif (tourné vers l'autre), l'état amoureux ou choc amoureux de l'amour d'attachement qui nécessite de se confronter à l'épreuve du réel ainsi qu'à celle de la durée.
En se posant la question de savoir pourquoi le désir nous porte vers tel individu précisément à l'exception de tout autre. Désir et amour peuvent-ils être dissociés dans l'amour sexué ?


DEBAT

Si le besoin d'attachement est inné, est ce que pour autant le petit enfant est capable d'aimer ? Il est difficile d'intégrer cette réalité tant que l'enfant n'est pas dans l'altérité (le sentiment de compassion ne se développerait guère avant 2/3 ans). Pourtant l'un des intervenants pense que l'enfant aime. Aimer ses jouets, les fleurs, s'apparenterait bien à de l'amour.
Ces premières figures d'attachement que sont les proches qui s'occupent de l'enfant, en particulier la mère ou son substitut, vont laisser une trace indélébile qui lui fera rechercher plus tard une autre figure d'attachement dans la relation amoureuse.

Au cours de la discussion, des pistes ont été ouvertes par les différents intervenants au débat :

- en ce qui concerne l'enfant, n'y aurait-il pas avant la naissance un lien du foetus à la mère qui le pousserait, en cas de séparation, à rechercher plus tard sa génitrice ?

La question reste ouverte, même si dans ce cas précis, on peut penser que c'est la recherche de ses origines qui taraude l'enfant devenu adolescent. Pour se construire, l'individu a besoin en effet de s'inscrire dans une filiation et de comprendre quel désir l'a séparé de sa mère.

- autre question : est ce que le masochisme peut se penser en termes d'amour ? Une intervenante suggère que le masochisme étant constitutif de certaines personnalités, il n'y a pas de raison de l'exclure de la relation amoureuse.

- est ce que, comme l'a énoncé Lacan, l'amour c'est donner quelque chose que l'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas ?

La psychanalyse enseigne que la castration débouche sur le manque à être, autrement dit le désir. Ce que l'on voudrait donner à l'autre, c'est son propre manque, espérant par là qu'il viendra le combler. L'amour se construirait sur ce manque à être des 2 protagonistes.

Jacques RUFF (psychanalyste) écrit " C'est son propre moi qu'on aime dans l'amour, son propre moi réalisé au niveau imaginaire". Et Jacques Alain MILLER "aimer vraiment quelqu'un, c'est croire qu'en l'aimant, on accédera à une vérité sur soi. On aime celui ou celle qui recèle la réponse ou une réponse à notre question "qui suis-je ?""

Autre question apparue durant le débat : la jalousie n'est-elle pas constitutive de l'amour ? Beaucoup le pense, mais un rapide sondage demandé par Alain Robert montrera qu'elle n'est pas systématiquement présente. Ne peut-on en déduire qu'elle se manifeste justement dans l'amour captatif, l'amour de besoin ? Quant aux inévitables achoppements de la vie commune, leur présence ne tueront pas inéluctablement l'amour. Ils sont inhérents à toute relation humaine et existent entre parents, frères et soeurs, amis etc. l'essentiel étant qu'ils n'atteignent pas un point de non retour.

Pour terminer, quand le miracle s'est accompli, quand l'amour dans son aspect émotionnel et physique est né, peut-il et va t-il durer ?

Si nous sommes conscients que nous naviguons à la lisière du réel et de l'imaginaire, entre le rationnel et l'irrationnel, si nous ne lui donnons pas pour unique mission de réparer les blessures du passé, de combler le manque uniquement, si nous sommes suffisamment libres, autonomes, matures et responsables, si donc nous avons en nous un solide noyau de sécurité affective pour nous concentrer sur l'oblatif et non sur le captatif, alors oui l'amour peut se construire et perdurer la vie durant. De nombreux exemples en témoignent , n'en déplaise à ceux qui sont convaincus du contraire. L'amour est enfant de bohême dit la chanson pour signifier qu'il est multiple et insaisissable, il est le choc de 2 inconscients, donc indéfinissable par essence. A chacun de le définir s'il le souhaite, mais aussi de le vivre sans se poser de questions. Car j'ai entendu certains cliniciens affirmer que si on tente d'analyser l'amour on risque fort de le voir s'éteindre.

Pour terminer, écoutons ce que nous dit Jean d'Ormesson : "On peut tout dire de l'amour. Tout ce qu'on dit est vrai. Et le contraire aussi".

Annie NORTIER
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